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Discours prononcé le 16 juin 2009 par Maître Jean-William VEZINET

Le 08 septembre 2009
Primauté de l’urgence sur la prudence, culture du résultat, on systématise la sanction, on banalise la prison…on légifère dans l’émotion pour mieux juger dans l’indifférence.

 

Discours prononcé le 16 juin 2009 par Maître Jean-William VEZINET dénonçant les réformes actuelles et à venir de la procédure pénale, à l’occasion de la création de l’association des Secrétaires de la Conférence du Val de Marne parrainée par Monsieur Robert BADINTER.



Monsieur le Sénateur Badinter,

Madame le Bâtonnier,

Monsieur le Bâtonnier désigné,

Mesdames et Messieurs les Bâtonniers,

Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil de L’Ordre,

Mesdames et Messieurs les Secrétaires de la Conférence,

Mes Chers Confrères,

 

 

Le 10 juin dernier, le Conseil Constitutionnel censurait le projet de loi dite « Hadopi » sur la lutte contre le téléchargement illégal au motif que la sanction proposée de couper l’accès internet, constituait une atteinte à la liberté d’expression et de communication consacrée par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et du Citoyen et qu’en conséquence, elle ne pouvait être ordonnée que par une autorité judiciaire.

 

Qu’il est rassurant d’entendre la voix des sages ; de constater qu’il existe encore dans notre pays des garde-fous à la violation des libertés individuelles et à la destruction de notre système judiciaire. Pourtant, on les aurait presque oubliés tant l’inflation législative tend à nous en faire douter.

 

Primauté de l’urgence sur la prudence, culture du résultat, on systématise la sanction, on banalise la prison…on légifère dans l’émotion pour mieux juger dans l’indifférence.

 

Sous couvert d’assurer la sécurité nationale, on bafoue les libertés individuelles. La liste est malheureusement non exhaustive des exemples qui, dans un terrifiant silence, rongent les fondamentaux hier si douloureusement acquis.

 

On ébranle l’équilibre des pouvoirs pourtant clef de voûte de notre démocratie. Le mouvement de lutte est maintenant largement consommé contre l’indépendance des acteurs de justice, hier par la caporalisation des Procureurs, aujourd’hui par l’automatisation des peines et demain par la suppression du Juge d’Instruction.

 

En réalité, ce qui est inquiétant, ce n’est pas tant la disparition d’un système dont chacun s’accorde à dire qu’il faut le réformer, mais davantage l’incohérence d’une politique qui, s’affranchissant ici de la collégialité des juges d’instruction ou là, de la généralisation des pôles d’instruction, fruits d’une réflexion mûrement aboutie mais dont chacun sait désormais qu’elle ne verra jamais le jour, transfert le monopole de l’enquête à ceux dont la carrière dépend directement de l’Exécutif.

 

 

 

Déséquilibre des pouvoirs, atteinte aux droits de la Défense et au principe du contradictoire, sans aucun doute, dépénalisation déguisée du droit des affaires ; en tout état de cause, on peine à croire que la seule création du Juge de l’enquête et des libertés suffira à pallier les dérives de ceux qui formés à l’accusation devront demain enquêter à charge et à décharge.      

 

 

Mais aussi : Atteintes à la philosophie de l’ordonnance de 45 et négation de la spécificité du droit pénal des mineurs ; surpopulation carcérale ; rétention de sûreté à vie ; extension aux affaires criminelles de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; multiplication des fichiers de police …

 

Le ton est donné et il donne le vertige !

 

Et qui pour le changer ? Certainement pas les commissions qui se succèdent et qui servent d’alibi à des lois déjà bien ficelées ; pas davantage les magistrats trop attachés à leur avancement ; pas plus les élus subordonnés aux échéances électorales. Alors, il reste nous, les Avocats. Et certains l’ont bien compris qui tentent de nous associer à d’autres dont la déontologie et le serment ne font aucune place à l’indépendance.

 

Mais si nous nous attachons à plaider notre désapprobation, force est de reconnaître que nous sommes parfois désabusés, animés d’un sentiment d’impuissance ou d’isolement.

 

Le nombre fait souvent la force et c’est pour cela que nous, Secrétaires et Anciens Secrétaires de la Conférence du Barreau du Val de Marne, avons résolu de créer cette association pour rassembler nos énergies et faire de notre synergie un outil de sauvegarde et de développement des droits de la Défense.

 

Et quel meilleur présage que d’être parrainé par celui dont les convictions et le courage ne semblent jamais avoir été émoussés. 

 

 

 

 Jean-William VEZINET

 Premier Secrétaire de la Conférence.

 

 

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